Ne dites pas à ma mère que je suis dans les médias sociaux, elle me croit pianiste dans un bordel

Beaucoup d’entre vous connaissent sûrement le livre de Jacques Séguéla de 1992 intitulé « Ne dites pas à ma mère que je suis dans la publicité, elle me croit pianiste dans un bordel ».

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Ce titre m’a toujours parlé, car il y a deux façons de voir la publicité :

Travailler dans ce secteur et être passionné par le sujet, considérer avant tout la créativité et l’énergie mises en oeuvre par grand nombre de métiers différents pour produire les campagnes les plus efficaces et créatives.

– Être une cible de la publicité, et trouver qu’il y a trop de messages, trop de panneaux publicitaires, et que la publicité est une gêne dans la vie quotidienne.

Les publicitaires ont souvent un certain ego, de la fierté pour leur métier, certains aiment donner l’impression qu’ils vivent dans 99 francs ou Mad Men. Mais la vérité est que la publicité est mal-aimée, alors même qu’elle est produite par des gens qui lui ont dédié une grande part de leur vie.

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Ainsi, plus de 20 ans après le livre de Séguéla, je me permets de détourner son titre au profit des médias sociaux, qui sont depuis quelques années une nouvelle façon d’appréhender la publicité.

Mon rapport avec la pub a commencé avec Culture Pub, à l’époque où l’émission était diffusée sur M6 le dimanche soir. Culture Pub avait pour but de représenter le meilleur de la publicité : celle qui est drôle, créative, internationale…
Mais Culture Pub mentait aussi un peu aux futurs publicitaires : en ne montrant que le meilleur, elle occultait une vaste majorité de campagnes sans intérêt, à but uniquement lucratif, finalement assez loin du rêve créatif qui berce ces publicitaires.

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L’émission a pourtant réussi à me donner un objectif : celui d’atteindre cet idéal publicitaire, pour faire en sorte de proposer un contenu réellement intéressant, qui donne envie aux consommateurs de s’engager et de jouer avec la marque et le message.

C’est loin d’être facile quand il s’agit d’une campagne publicitaire traditionnelle : il n’y a souvent qu’une pub TV (pas toujours locale – l’internationalisation des agences et des briefs aseptise malheureusement les messages publicitaires), quelques visuels pour une campagne print… et les discussions clients / agences sont longues, il est ainsi facile de perdre une partie de l’idée dans la bataille.

Mais ces problématiques sont moins fortes aujourd’hui dans les médias sociaux :

Ce sont des plateformes d’engagement, où imposer un message traditionnel et uniquement commercial n’est pas efficace. Même sur Facebook où la portée organique des posts est en chute libre, on ne peut faire l’économie d’un contenu de qualité : ce dernier va nécessairement démultiplier les performances du message, même s’il est déjà sponsorisé.

– Les circuits de validation sont courts et les enjeux moins grands, les annonceurs sont donc plus tentés de tester des choses plus créatives. Moins frileux, on ose davantage.

Bien sûr, tout n’est pas idyllique, notamment parce que les idées ne sont pas toujours des « big ideas », et que la durée de vie d’un contenu dépasse rarement quelques jours.

Mais les médias sociaux restent un formidable laboratoire créatif, qui devrait être abordé en gardant en tête le fait que si les gens sont sur ces réseaux, c’est aussi parce qu’ils boudent davantage les médias traditionnels et les pubs qui vont avec.

D’ailleurs, les personnes travaillant dans ce secteur ne se considèrent pas comme des publicitaires, même si en réalité, toute leur production est de la publicité pour des marques, des associations…

Pour en revenir au titre de cet article, le métier de publicitaire au sens large est-il « honteux » ? Je crois qu’il y a une forte remise en question à avoir de la part de ceux qui travaillent dans ce secteur, pour rendre la publicité plus agréable : ne pas avoir peur de l’humour, d’être ambitieux, ne pas préjuger trop rapidement de ce que les consommateurs aimeront, et se battre pour faire exister une belle idée.

Sur ce point, les médias sociaux sont peut-être en train de changer : plus créatifs que le circuit traditionnel, certes… mais de plus en plus d’agences traditionnelles et d’annonceurs les intègrent à leur stratégie globale, avec parfois l’envie d’appliquer une recette publicitaire dépassée à ces canaux qu’ils maîtrisent mal. Ce qui ne va pas dans le sens d’une meilleure acceptation de la publicité par le grand public, ni même dans celui de l’efficacité des campagnes qui sont produites.

Je fais donc le vœu que notre métier évolue vers une plus grande compréhension de l’état d’esprit des consommateurs, pour faire de la publicité un métier plus respectable, et faire de nos campagnes des preuves de notre créativité.

Si vous voulez apporter votre pierre à l’édifice, les commentaires sont là pour vous.

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