La promotion de l’alcool : un casse-tête publicitaire

La législation Française est excessivement restrictive concernant la Publicité pour l’alcool. Cela répond bien sûr à des problématiques de santé publique… et a aussi pour conséquence de créer un énorme casse-tête pour les Agences en charge des budgets « Alcools ».

Rappel législatif :
– 1987 : adoption par le Parlement de l’amendement Barrot interdisant toute publicité pour la bière à la télévision.
– 1991 : adoption de la loi dite ‘loi Evin » réglementant plus globalement et plus rigoureusement la forme et les supports acceptables de publicité pour l’alcool.

La « loi Evin » est basée sur l’idée que tout ce qui n’est pas expressément autorisé par la loi est prohibé (alors qu’avant, c’était le contraire qui prévalait).

Elle autorisait jusqu’à aujourd’hui la publicité :

  • dans la presse écrite (sauf celle destinée à la jeunesse),
  • à la radio (dans certaines tranches horaires définies par décret),
  • par voie d’affichage,
  • par envoi de circulaires ou brochures commerciales,
  • dans les fêtes et foires traditionnelles, les musées, confrérie et stages d’oenologie.

… toute publicité au cinéma ou à la télévision étant donc expressément exclue

L’idée ici n’est pas de disserter autour de la loi mais plutôt de parler de la réponse publicitaire qui lui est donnée. On peut tout d’abord dire qu’il est très difficile de développer un contenu créatif pour les marques d’alcool. Il est globalement interdit de montrer quelqu’un en train de consommer (par contre, on peut montrer un serveur, mais il doit être très clairement identifié comme tel), il est impossible de parler du contexte dans lequel l’alcool pourrait éventuellement être bu, et l’on se retrouve donc avec des Packshots de bouteilles et de faibles tentatives graphiques pour rendre le message un minimum différenciant.

Les Agences Françaises semblent donc être condamnées à voir passer les formidables campagnes développées par exemple aux Etats-Unis ou en Angleterre.

En France :
Pelforth

Desperados

Aux Etats-Unis pour le plaisir :

Une porte a néanmoins été ouverte il y a peu par le gouvernement, et elle concerne le Web. L’amendement adopté « autorise la publicité en faveur de l’alcool sur Internet sauf sur les sites destinés à la jeunesse, aux sports, à l’activité physique et dans les « pop-ups », publicités intrusives qui apparaissent de façon spontanée sur le Web. »

Bien que soumis à la « loi Evin », ce terrain offre aux Agences de nouvelles possibilités d’expression. Et pour l’illustrer, j’ai justement à disposition une campagne qui nous vient d’une région qui m’est chère : le Nord (non, je ne suis un pas un fan de Bienvenue chez les Chtis…).

Orchestrée par KRBO, Agence Lilloise, pour le compte de la Brasserie DUYCK qui produit la bière Jenlain (bière « officielle » de la Braderie de Lille pour ceux qui connaissent), la campagne est intitulée « Jenlaincroyable village ».

Le principe : faire parler de la marque et donner envie de s’intéresser à la Jenlain sans jamais montrer une seule bouteille de bière.

Comment : en diffusant une web-série humoristique (de 12 épisodes de 2 minutes) dont l’action se passe à Jenlain (village du Nord, et plus précisément de l’Avesnois) et dont les acteurs sont notamment les salariés de la Brasserie DUYCK.

L’histoire : un légende locale raconte qu’un seigneur bourguignon du nom de Jean s’installa un jour près de l’actuel village et fit construire son château. Il prit le patronyme de Jean Ier dit « Jean l’Un », et donna ensuite son nom à la commune qui s’appela successivement « Jeanlun » puis « Jeanlain », le nom actuel de « Jenlain » datant de la révolution.

Depuis, à Jenlain, chaque famille semble revendiquer sa descendance directe. Une coutume s’est d’ailleurs installée, voulant que chaque habitant prenne le nom du village pour prénom. On retrouve ainsi dans la série Jenlainfraction qui aime un peu trop entrer chez les gens, Jenlainpératrice qui incarne à elle seule la noblesse de Jenlain ou Jenlainderground dont l’obsession est de démarrer la construction d’un métro entre Jenlain et Valenciennes (la grande ville de l’Avesnois).

L’articulation : l’opération est relayée par un site (plutôt bien fait) et les vidéos sont diffusées également sur Youtube, Dailymotion…

Site Web de l'OP

Mon analyse :
Sur le fond, je trouve que c’est un bon exemple de ce qu’il est possible de faire avec l’assouplissement de la nouvelle législation. On peut développer un vrai contenu, raconter une vraie histoire, tout en n’incitant pas à la consommation. Cela préfigure de belles réalisations pour les Agences et leurs annonceurs.
Sur la forme, et malgré un ensemble plutôt bien exécuté, je trouve que le côté « non pro » des comédiens est problématique. L’idée est sympa, mais ce n’est pas toujours très bien joué, et passée la blague des premières minutes, ça ne donne pas forcément envie de voir les autres épisodes. Mais bon, il reste encore plusieurs semaines pour découvrir si je me trompe !

4 réflexions au sujet de “La promotion de l’alcool : un casse-tête publicitaire”

  1. Honnêtement, la solution n’est pas d’interdire, mais d’expliquer et d’éduquer au vin. L’alcool n’est pas une drogue, mais un produit qu’il faut savoir apprécier et consommer, comme le dit la loi, avec modération. La prohibition n’est pas une solution, au contraire, elle ne fait que déplacer le probleme, et vous pouvez déjà être certaine que les « jeunes » se débrouilleront d’une façon ou d’une autre pour trouver de l’alcool. Encore une fois fois, mieux vaut leur apprendre à apprécier un verre de Bordeaux ou une flûte de champagne plutôt que de sortir des phrases à l’emporte pièce comme « L’alcool est une drogue qui tue nos enfants ».
    J’ai peur jour où l’on vivra dans un monde dicté par la peur, un monde où l’on ne boira pas d’alcool, on ne conduira pas de voiture, on ne fumera pas de cigarette, on ne mangera pas de sucre ni de sel, et où l’on vivra tous jusqu’à 120 ans dans des grandes maisons de retraite où l’on pourra regarder autant que l’on veut la télé

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